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Bemind - La tribune

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Portrait d’e l’orléanais Alexandre Maffre, gérant et coach Bemind, décoré de la médaille de la ville d’Orléans

Eau en douleurs

Alexandre Maffre

Ce week-end, ce coach basé à Orléans prendra le départ de son deuxième Marathon de Paris en compagnie d’une petite troupe de coureurs amateurs qu’il a préparés. Une nouvelle étape dans la carrière de cet athlète complet, qui plongea dans la Loire, il y a un an, pour sauver une vie.

Benjamin Vasset

Un ciel bleu, du soleil et une petite bise sèche. Le printemps avait fondu sur Orléans la semaine dernière, et Alexandre Maffre appréciait ces conditions climatiques tout à fait idéales. Il aurait alors volontiers signé pour qu’elles soient similaires, le 9 avril prochain, au départ du Schneider Electric Marathon de Paris. Même si cet affreux naming dénature quelque peu le mythe, les 42,195 km prétendument parcourus en – 490 par Phidippidès gardent encore leur toute leur dimension homérique, quelque vingt-cinq siècles plus tard. Alexandre Maffre peut en témoigner : l’an dernier, il bouclait dans la douleur son premier Marathon. « J’avais pris un mur dès le 16e km… », rappelle-t-il aujourd’hui, avec la fierté d’avoir quand même pu terminer. Une épreuve qu’il se coltinera de nouveau ce week-end, accompagné, cette fois-ci, de six autres locaux. Cinq femmes et un homme – cherchez l’intrus – qui pousseront leur organisme jusqu’au bout de l’effort. Coach personnel à plein temps depuis septembre dernier, Alexandre Maffre a fait germer cette idée à ce petit groupe de sportifs il y a quelques mois de cela. « J’aime bien le côté mental du Marathon, et le fait que l’on puisse se confronter à soi-même », raconte l’entraîneur en chef, épaulé dans sa mission d’encadrement par le triathlète Brice Debord.

L’épreuve reine de la course de fond agit souvent comme un révélateur dans l’existence d’un être humain. On tape dans un ballon par habitude, mais on ne se lance pas dans un Marathon par hasard : « quand on part de zéro, comme mes athlètes, c’est qu’on a effectivement quelque chose à dire… », confirme Alexandre Maffre. La façon dont lui-même a fini la course, l’an dernier, est ainsi riche de ressorts intimes liés à son histoire personnelle. « Mon père était décédé quelques mois plus tôt, dit-il. Franchir cette ligne m’a aidé à me reconstruire, à faire une partie du deuil. Ça été très concret dans mon esprit : d’une certaine manière, je prenais la suite. Je traînais cette disparition comme un boulet et cette course m’a permis de m’émanciper. » Parti pendant six ans, durant son enfance, rejoindre à la Réunion ce père qu’il explique « ne pas avoir connu plus que ça », Alexandre Maffre voit clair dans le côté psychologique de l’affaire. Le Marathonien n’est pas (toujours) un grand malade, encore qu’il faille un grain de folie plus gros qu’une griotte pour lécher le bitume pendant près de quarante-trois bornes. Un peu frappé quand même, Alexandre Maffre confie toutefois qu’il prendra, avant ses quarante ans jure-t-il, le départ de la Diagonale des Fous, un raid de 167 km se tenant tous les ans sur l’île… de la Réunion. Le triathlon, par contre, ne fait pas partie de ses projets futurs. « Je suis un terrien, certifie-t-il. Je n’aime pas trop ce qui se passe dans l’eau… »

« Cette histoire est devenue pesante »

La transition est pourtant toute trouvée : bien qu’Alexandre Maffre n’ait pas la vivacité d’un brochet, il déploya bel et bien ses nageoires de fortune, le 8 mars 2016, pour sauver une femme qui avait plongé, avec sa voiture, dans le Fleuve royal. L’histoire fit les gros titres des médias locaux, et le courage de ce trentenaire fut récompensé d’une médaille de la Ville. « Ce que j’ai fait était normal », revient-il un an après, avant de balayer, un peu agacé, le qualificatif de « héros » dont il a été affublé. « On m’en a beaucoup parlé, et c’est devenu pesant, livre-t-il. J’ai eu rapidement envie de passer à autre chose. Parce que, pour moi aussi, ça a été un épisode traumatisant. Alors oui, c’est une date qui restera gravée dans ma mémoire, mais ce n’est pas quelque chose que je veux mettre en avant. » Lui ne le fera pas, mais d’autres mettent aujourd’hui en exergue « son écoute, son empathie et sa douceur ». Ces paroles teintées de bienveillance sont celles de Nicolas Raimbault, ancien prof d’Alexandre Maffre lorsque celui-ci suivait son cursus de « STAPSien » à La Source. « J’avais remarqué, quand il était étudiant, son caractère sain, simple et sans esbroufe, décrit l’ancien vice-président de l’OLB. Il avait aussi, déjà, ce côté ambitieux. » Une analyse corroborée par l’intéressé, qui évoque ses années STAPS avec un pragmatisme de bon aloi. « Dans cette filière, relève-t-il, faut pas se mentir : les trois quarts des gars sont là pour faire la fête. En plus, la première année, tu étudies tellement de choses que certains s’y perdent. Moi, j’avais besoin de gagner de l’argent assez vite. Je suis parti bosser à l’extérieur et je revenais pour quelques TD, les exams et les matchs de foot de l’équipe universitaire… »

« Cette course m’a permis de m’émanciper… »

Hors le bahut, c’était, à cette époque-là, quand même le bahut, puisqu’Alexandre Maffre passa en parallèle deux ans et demi comme assistant d’éducation dans deux collèges et lycées de l’agglo. « Le statut intermédiaire entre les profs et les gamins me plaisait bien, se souvient-il. Il y avait dans ce taf un vrai rôle éducatif et pédagogique. » De pas chassés en grands écarts, le garçon finit du reste par être prof d’EPS, mais en empruntant des chemins détournés, jugez par la suite. Après sa licence « entraînement sportif et performance », Alexandre Maffre décida de passer un DU en préparation mentale à Clermont-Ferrand.. « Le tout en restant à Orléans et en continuant à être pion… Ça, c’était fort ! », se marre-t-il aujourd’hui, en revenant avec délice sur ces sessions auvergnates au cours desquelles il croisa des noms réputés du sport professionnel comme Gonzalo Quesada, l’actuel entraîneur du Stade Français Rugby. Le sport pro, une voie qu’Alexandre Maffre aurait d’ailleurs pu explorer à plein temps si le ballon, rond, avait voulu tourner dans le bon sens. Alors en stage de fin de DU à l’ESTAC (Troyes), Alexandre Maffre « intervenait alors avec les gamins du CFA de Troyes comme préparateur mental. On m’avait fait comprendre, explique-t-il, qu’on pouvait me garder après mon stage. Mais cette saison-là, le club est descendu en National… » Revenu à Orléans, un coaching personnel qu’il dénicha via une boîte parisienne lui fit indirectement faire la bascule. « Mon premier client était un mec qui bossait au rectorat. Il m’a dit un jour : “ t’as la fibre, tu devrais être prof ” ». Pas sourd, Alexandre Maffre repassa une licence pour pouvoir enseigner et devint ainsi prof d’EPS pendant plus de quatre ans, en remplacement de congés maladie ou maternité. « Et là, en 2014, pas de poste ! Je suis resté un an au chômage. Je devenais dingue. » Il monta alors son auto-entreprise de coaching personnel, « rentra dans les bons réseaux » et abandonna définitivement l’Éducation nationale en septembre dernier. Il s’est depuis trouvé un espace pour recevoir ses clients, quai Châtelet. « Passer de l’auto-entreprise à une vraie boîte, c’est un vrai saut dans le vide », souligne-t-il. Ses jambes l’aideront certainement à voler.